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  • Photo du rédacteurValentine Buhé

It (2017) : Mais où sont les adultes ?

Je ne pensais pas aller un jour au cinéma voir un film d'horreur.


Je suis plutôt du genre à me calfeutrer chez moi pour les regarder à ma façon, qui offusquerait plus d'un amateur de ces histoires d'épouvante. La fenêtre ouverte, la vidéo en petite fenêtre, les sous-titres activés et le son coupé, tout en faisant autre chose à côté et en commentant sans arrêt. Voilà notamment pourquoi je suis interdite de soirée télé épouvante, je dégoûte les autres (ils sont jaloux de ma rapidité à trouver les réponses aux énigmes posées par le film, c'est tout). Et pourtant, voilà que j'accepte l'invitation et que j'arrive le soir au cinéma, jouant à la blasée de tout devant les autres.


J'ai très bien réussi. Même confrontée au film.


Tirée du cultissime roman « It » de Stephen King, publié 1986, adapté en film et en courte série de deux épisodes, sa nouvelle adaptation au grand écran a été réalisée par Andrés Muschietti. Il est devenu un célèbre réalisateur grâce à son film d'horreur Mama, dont une créature surnaturelle terrifie les protagonistes. Monsieur Muschietti maîtrise bien son sujet.


Dans ce film, sept enfants, qui forment le groupe des « Râtés », sont victimes d'une entité surnaturelle, qui prend la forme de leur plus grande peur. Cette entité a causé la perte de plusieurs enfants de cette ville, dont celle du petit frère du protagoniste, qui a donc une raison toute personnelle de lui en vouloir. Les adultes semblent être épargnés par la créature, qui ne cible que les enfants, dont elle se repaît durant un an avant de se rendormir pour vingt-sept ans. Comment lutter contre un monstre qui donne vie aux peurs les plus profondes ? Comment le vaincre ? C'est à cela que tenteront de répondre ces enfants durant les deux heures de film.


Au final, ce que j'en retiens, c'est que ce n'est pas tant l'horreur en elle-même, le monstre, ou plutôt « ça », qui insuffle la peur. Et on ne peut même pas parler de peur au sens réel du terme : il s'agit plutôt d'une ambiance malsaine et triste, surgit d'une suite de mauvais comportements humains. Une sorte d'état d'appréhension constant. Le groupe que forme notre nouvelle bande de Goonies se réunit sous le nom des « Râtés ». Ils ne rentrent pas dans la norme : l'un bégaye, l'autre est enveloppé, un tel a des lunettes, … Et on a beau vouloir célébrer la différence, il n'y a rien de pire, surtout pour un enfant, de ne pas rentrer dans la norme. Être rejeté par ses pairs si jeune est un traumatisme qui accompagne pour le restant des jours, qui transforme la personne au plus profond d'elle-même. On met des années avant de se remettre du harcèlement, par exemple. On se souvient tous du prénom de la petite frappe qui terrifiait élèves et professeurs. On évite encore d'entrer en contact avec ceux qui se faisaient un malin de plaisir de nous rabaisser. Cette appréhension de l'autre plus grand et plus fort, qui nous a choisi comme souffre-douleur sans que nous ne sachions pourquoi, est présente en chacun de nous. La situation des « Râtés », victimisés à cause de leurs différences, aussi mimines soient-elles, renvoie à une souffrance que la plupart des personnes du public aura connue.


Sous cette histoire d'épouvante, où le « ça » se nourrit des peurs des enfants qu'il poursuit et jamais de celles des adultes, qui ne semblent de plus pas très concernés par ce qui peut arriver à leur progéniture, on aborde un véritable problème : l'isolement des victimes. Les Râtés ne peuvent ou ne veulent parler à aucun adulte de ce qu'ils traversent. Pas de l'horreur instillée par « ça », pas non plus des brimades infligées par leurs camarades. Ils préfèrent se débrouiller seuls, plutôt que de courir le risque d'être vu comme un perdant, un faible, par leurs proches. Ils font avec. Certes, comme aiment à le dire les plus durs, ça forge le caractère. Ça peut même laisser des marques, physiques comme le H. qu'aura gravé le harceleur en chef dans la peau d'un des Râtés, sous les yeux indifférents des quasi-seuls adultes vus dans le film.


De ce film, au-delà des images horribles (qui m'ont travaillée toute la nuit, j'en étais sûre…), c'est un mise en garde que je retiens. Comme l'analysait William Golding dans son fameux livre Sa majesté des Mouches, les enfants ne sont pas capables de se gérer eux-mêmes. Ils sont capables des pires actes de cruauté. Ils ont besoin des repères que nous leur donnons via l'éducation. Qu'est-ce qui est bien, qu'est-ce qui est mal… Nous leur offrons aussi le recul nécessaire à l'analyse d'une situation et le soutien pour l'affronter. C'est notre devoir de leur rester accessible. Il faut trouver le bon équilibre entre les laisser vivre leurs propres expériences et les protéger des pires. Sinon ça peut aller jusqu'à donner des histoires comme celle du petit Jodie. Mais attention aux dérives, il ne s'agit pas non plus de les étouffer comme la mère du jeune Eddie ! Soit dit en passant, mon personnage préféré. Enfin quelqu'un ayant des réflexions sensées ! On ne va tout simplement pas dans les égouts ! Surtout l'été enfin ! Eddie, ne change pas, reste aussi malin dans la suite qui ne saurait tarder.


« Ça », pour moi, ne désigne pas le monstre. Celui-ci a d'ailleurs un nom : Pennywise le clown. « Ça », c'est le quotidien des courageux silencieux, qui endurent une espère de torture qu'on ne nomme pas, par pudeur ou par indifférence.


Et « ça », c'est réel.


Bien joué, monsieur King. Vous avez su montrer que le réel était plus terrifiant que la fiction.


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